quelemondeestbeau Poète
Messages : 417 Date d'inscription : 30/04/2011 Age : 27 Localisation : Neverland
| Sujet: Lune T2/Chapitre 6 Ven 8 Aoû - 16:29 | |
| VI. Sombres découvertes La cloche me réveilla en sursaut. J'avais passé la journée à lire, cachée sous l'escalier, et je m'étais doucement endormie, bercée par la houle régulière des Caraïbes. Je posai vivement mon livre sur un tonneau et observai le pont à travers l'interstice entre les marches. Des hommes, armés de sabres et de pistolets, avaient commencé à envahir le Cœur. Ils arrivaient d'un bateau aux voiles sombres, accolé à notre navire. Leurs visages féroces et agressifs m'effrayèrent et je m'effaçai un peu plus derrière l'escalier. Déjà, l'équipage du Cœur répliquait aussi farouchement qu'il le pouvait. Aucun n'était resté en retrait, caché dans la cale ou sous un escalier comme je le faisais lâchement. Les lames s'entrechoquèrent violemment et les cris résonnèrent dans la nuit à peine tombée. Près de l'escalier, Jonathan blessa un pirate adversaire, qui contre-attaqua en hurlant. Son épée s'échoua à côté de moi. Heureusement, Jonathan l'empêcha de la récupérer et l'entraîna vers le mât central. A peine quelques secondes plus tard, le pirate s'effondrait par terre, terrassé par un coup d'épée dans la poitrine. Je savais qu'il était lâche de ma part de rester ainsi tapie dans l'ombre mais je savais aussi que me jeter à corps perdu dans la bataille, le sabre à la main, serait du suicide pur et simple. Je n'étais pas capable de me battre et ces hommes ne montreront aucune pitié à mon égard. Avec un pincement au cœur, je cherchai Alexander des yeux. Je l'aperçus enfin, après quelques secondes d'angoisse, se défendant habilement contre deux pirates bien plus grands que lui. Mon soulagement disparut pour laisser place à une vive terreur. Pour l'instant, il parvenait à éviter les coups mais qui sait ce qu'il adviendra lorsque la fatigue le prendra ? Une main se posa sur ma bouche tandis qu'un bras me ceinturait la taille. Je me débattis sauvagement pour essayer d'échapper à mon agresseur et tentai de hurler, sans succès. Finalement, la voix de l'homme souffla à mon oreille :
- Calme-toi, c'est moi.
Je cessai de lutter et me retournai face à Dirk, qui me faisait signe de me taire. Il jetait régulièrement des regards anxieux au-dessus de mon épaule.
- Il faut que tu te caches mieux. S'ils te trouvent, ils te tueront. - Qui sont-ils ? demandai-je, inquiète. - Peu importe, Leanne.
Il détourna les yeux. Il se releva ensuite à moitié et déplaça lentement le tonneau où j'avais posé mon livre. Dirk me désigna une trappe dissimulée sous le tonneau.
- Je ne savais pas qu'il y avait une trappe ici, murmurai-je. - Le Cœur est à l'image de son capitaine : plein de secrets. Il ouvrit la trappe d'un geste prudent.
- Personne ne te trouvera ici. (Il me rendit mon livre.) N'aie pas peur. - Ne m'oubliez pas ici. Dirk hocha la tête en souriant. Je me glissai dans la cachette, l'inspectai rapidement et observai Dirk, agenouillé, refermer la trappe. Je l'entendis ensuite replacer le tonneau à son emplacement d'origine. Dans le noir le plus complet, les mains crispées sur mon livre, j'écoutais silencieusement les bruits des combats, atténués mais toujours audibles et toujours aussi effrayants. Combien de vies allait-on perdre encore ? Que diable voulaient ces hommes ? Il y eut du bruit sur le pont pendant près d'une demi-heure. Les fers se croisèrent et quelques coups de feu furent tirés avant de cesser complètement. Un étrange silence régnait au-dessus de ma tête, comme si une vague avait fait irruption sur le navire et avait emporté les deux équipages. Tout semblait s'être figé en un instant. Soudain, j'entendis des pas qui se rapprochaient de moi. Le tonneau qui protégeait ma cachette se déplaça. Je me tapis dans un coin, mon livre serré contre moi, et attendis, respirant à peine. La trappe commença à s'ouvrir, laissant entrer un rai de lumière. Je plissai les yeux, le souffle de plus en plus court. Pas encore, suppliai-je intérieurement. La lumière se faisait de plus en plus vive et violente, je fermai les paupières. Lorsque je les rouvris, j'aperçus une main tendue. Celle de Victor. Je me blottis contre le mur. Dirk l'avait sûrement laissé sortir à cause de l'abordage. Dans ces moments-là, tous les hommes de l'équipage, même ceux qui se trouvaient dans les geôles, étaient réquisitionnés.
- Viens. Son sourire, pourtant malicieux comme à son habitude, me fit peur mais je choisis de rester neutre et impassible. Victor s'impatienta.
- Les autres sont occupés, lâcha-t-il. - Et si vous mentiez ? - Si tu aimes tant cette trappe, tu moisiras ici. Refuse mon aide mais ne viens pas te plaindre. Il se releva et commença à s'éloigner. Je soupirai, ravalai ma fierté et le hélai :
- Attendez ! Victor tendit à nouveau sa main. Je lui donnai mon livre, qu'il posa près de lui, et attrapai son poignet. Il me souleva comme si je ne pesais rien et, une fois que je fus sur le pont, il referma la trappe et repositionna le tonneau. Nous nous fîmes ensuite face, sans un mot. Il jeta un coup d’œil derrière moi, sourit et s'éloigna. Quand je me retournai, Alexander était à côté de moi et toisait Victor, qui s'apprêtait à rejoindre le nid-de-pie. Il plongea ensuite son regard dans le mien.
- Tu n'as rien ? m'interrogea-t-il en m'examinant. - Non, tout va bien. Mais toi... Je saisis du bout des doigts sa manche déchirée et tâchée de sang.
- Ce n'est rien. Ça cicatrisera. Il ouvrit ses bras avec un sourire : je me blottis contre lui. Je savourai cette étreinte. Après les deux disputes que nous avions eues, j'avais peur qu'une troisième vienne gâcher ce tendre moment.
- Alex... - Oui ? - Est-ce que... tu m'aimes ? Il me regarda droit dans les yeux.
- Tu as des doutes ? - Non. J'ai juste besoin de l'entendre, lui confessai-je. - Très bien. (Il se mit à genoux.) Leanne, je t'aime plus que l'or du monde et les richesses des huîtres perlières. Certains pirates non loin de nous nous observèrent avec surprise. D'autres ne purent contenir leur amusement. Je rougis.
- Je t'aime plus que les mers des Caraïbes et les trésors qu'elles recèlent. Je t'aime plus que ma liberté et ma... - Alex, je te crois. Je jetai un regard à la ronde. Alexander se releva et considéra à son tour les flibustiers. Il me prit ensuite à nouveau dans ses bras. Je posai ma tête sur son torse et lui posa son menton sur le haut de mon crâne.
- C'est bon de pouvoir parler sans se disputer, fis-je, joyeuse. - Qu'est-ce que tu as dit ? - Oh, rien. Ça n'a pas d'importance. Alexander se détacha de moi.
- Je n'aime pas que tu me caches des choses. - Je ne cache rien, Alex. Ce que j'ai dit n'était pas important. - Leanne... Je lâchai ses mains.
- Ce n'est pas un secret. Tu connais déjà tous mes secrets. - Qu'est-ce que tu as dit que tu refuses de dire maintenant ? - Je ne refuse pas de le dire mais ça n'a aucune importance ! - Dis-le alors ! s'écria-t-il. Je reculai jusqu'à heurter un mur.
- Je disais juste que c'était bon de pouvoir se parler sans se disputer, soufflai-je. - Tout ça pour ça, laissa-t-il tomber avant de me tourner le dos et de retourner travailler. Je soupirai, toujours adossée au mur. S'énerver ne ferait qu'aggraver les choses, je choisis donc de rester calme. La situation ne pouvait qu'aller vers le mieux. Dirk vint à ma rencontre, essuyant de la main le sang sur son visage. Lorsqu'il fut près de moi, je l'interrogeai pour oublier ce qui venait de se passer.
- Où sont les hommes qui nous ont attaqués ? - Ils sont tous morts. - Qu'avez-vous fait des corps ? Il désigna la mer de la main. Évidemment. Je m'approchai du bastingage pour découvrir une eau calme bien que légèrement rougie par le sang. Aucun corps cependant ne flottait à la surface. Face à ma stupéfaction, Dirk rit.
- Nous avons fait en sorte qu'ils coulent. - Comment ? Il se tourna vers le pont.
- Il faut vraiment que je rachète des boulets de canon, répondit-il avec espièglerie. Partagée entre l'amusement et l'horreur de la situation, je finis par céder au premier avec néanmoins une pointe de remords.
- Qui étaient-ils ? - Juste des pirates. - Juste des pirates ? répétai-je. - Tous les bateaux pirate ne viennent pas pour t'enlever, tu sais. Certains sont simplement cupides et les membres de leur équipage sont d'éternels insatisfaits. Dirk se tut un instant avant de reprendre plus doucement.
- Qu'est-ce qui se passe avec Alexander ? - Rien, marmonnai-je en détournant le regard. - Je connais ce regard. Ma femme avait le même quand on se disputait. - Vous êtes marié ? Il soupira, les yeux dans le vague.
- J'étais. On l'a tuée pendant un abordage. - Est-ce trop indiscret si je vous demande de me raconter ? - Rien n'est indiscret venant de ta part. (Dirk inspira.) Bien. Milah avait trente-cinq ans lorsqu'elle a décidé de suivre la même voie que nos deux fils et moi : celle de la piraterie. A ce moment-là, je n'avais pas encore passé la flambeau à mon fils aîné et étais toujours capitaine de mon navire. Je lui ai donc naturellement proposé de rejoindre mon équipage mais elle a refusé. (Il sourit mélancoliquement.) Elle voulait réussir seule, sans mon aide. Milah était si fière... L'émotion perçait dans sa voix.
- Vous n'êtes pas obligé de continuer, déclarai-je doucement. - Elle a essuyé de nombreux refus puis elle a eu l'idée de se déguiser en homme. Son intelligence et sa perspicacité lui ont permis d'accéder au poste de second. - Sur quel navire œuvrait-elle ? demandai-je, de plus en plus mal à l'aise. - Le Téméraire. Une ordure l'a tuée pendant une attaque. J'essayais de respirer calmement, des étoiles dansaient devant mes yeux. Je m'excusai auprès de Dirk avant de quitter brusquement le pont pour rejoindre la cabine. Je claquai la porte puis m'effondrai par terre. Je ramenai ensuite mes jambes tremblantes contre moi et posai ma tête sur mes genoux. Je connaissais on ne peut mieux l'assassin de la femme de Dirk et je l'aimais. Cette femme enceinte, mère de deux enfants et épouse aimée et aimante a été tuée par Alexander le jour où le Téméraire a attaqué le Lost Soul Il fallait que je lui dise, Alexander devait savoir. Mais si l'envie lui prenait de l'avouer à Dirk, qu'arriverait-il ? J'appréciais Dirk et j'aimais Alexander mais si le premier apprenait ce que le second avait fait... Pour l'instant, garde ça pour toi. Sur son perchoir, Blake piailla faiblement et vint se poser sur mes genoux. Le caresser m'apaisa. Mes jambes cessèrent alors de trembler tandis que ma gorge se dénouait. Bientôt, je pus respirer profondément. J'adressai un regard reconnaissant au perroquet tout en le remerciant d'un signe de tête. Une incroyable douceur se dégageait de ses pupilles sombres. Il glissa sa tête dans mon cou, réclamant un peu plus de caresses.
- Tu me fais penser à quelqu'un que j'aimais beaucoup, dis-je à voix haute.
Je fis monter l'oiseau sur mon épaule et ouvris la porte. Rester enfermée n'était pas la solution. |
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Damona Morrigan Fondatrice d'Alchemypoètes
Messages : 4544 Date d'inscription : 06/11/2010 Localisation : Dans la cabane de la sorcière blanche sur l'île d'Emeraude
| Sujet: Re: Lune T2/Chapitre 6 Mer 13 Aoû - 10:38 | |
| Décidément tu as fait de gros progrès concernant la narration de ton récit et je t'en félicite. Pour ce qui est de l'histoire, elle est digne des grands romans d'aventures comme je les aime, bravo à toi et vite je vais lire la suite ! |
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quelemondeestbeau Poète
Messages : 417 Date d'inscription : 30/04/2011 Age : 27 Localisation : Neverland
| Sujet: Re: Lune T2/Chapitre 6 Mer 13 Aoû - 17:10 | |
| Merci pour ce compliment, il me va droit au coeur ! Quand j'ai commencé Lune 2, j'ai décidé de prendre vraiment mon temps pour raconter les choses et de ne pas faire attention au nombre de pages. J'écris ce que j'ai envie d'écrire et ça fait vraiment du bien ! |
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| Sujet: Re: Lune T2/Chapitre 6 | |
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