Il était hanté par l’idée qu’elle puisse aimer un autre que lui car elle était tellement désirable, tellement adorable à ses yeux que tous tenteraient de se l’approprier. Lors de leurs cours, ils se vouvoyaient par habitude. Il n’y avait que lorsqu’ils se retrouvaient le soir dans leur lit qu’ils se sentaient capables de se parler sans chichi. Parfois, quand elle passait toute une journée à travailler à l’épicerie du coin afin qu’ils puissent avoir quelque chose sous la dent, il lui arrivait de s’en prendre à elle. Il surveillait ses moindres faits et gestes. Il accusait chaque homme qui l’approchait de vouloir l’avoir dans leur lit.
- Le seul qui m’aura toujours dans son lit, à ses côtés, c’est toi, bêta ! Et je te préfère à tous ces hommes que je croise. Tu as 6 ans de plus que moi et alors, tu n’as pas non plus l’âge d’être mon père.
Son regard chaleureux se posait sur lui et ses mains venaient prendre les siennes pour les placer sur ses hanches fragiles. Il la serrait aussi fort qu’il le pouvait en espérant que cela soit suffisant pour qu’elle ne s’échappe pas.
Cet après-midi de septembre qu’il parcourait leur appartement en piteux état, qu’il l’attendait désespérément, il savait qu’il était arrivé le jour où elle avait décidé de le laisser. Cette impression se précisa à 18h, l’heure ultime à laquelle elle rentrait. Il s’allongea sur le sol. Muet. La pièce toute petite semblait se rapetisser de plus en plus jusqu’à ne plus lui laissait de l’air pour respirer. Il suffoquait lentement. Il sentait la mort le gagner. Or le glas n’avait pas sonné la fin pour lui. Non, c’étaient des perles cristallines qui parcouraient ses joues et l’air qui lui manquait, des sanglots qui soulevaient sa poitrine et secouaient son corps. La douleur resta enfermée dans sa poitrine. Ni de cris, ni de hurlements ne sortirent de sa bouche. Il se réfugia dans un coin de l’appartement, tenaillé par la faim et le manque cette nuit. Le lendemain, il chancela jusqu’à la porte et sortit. Il s’assit la journée entière, les bras enroulant ses jambes repliées, au bas de l’immeuble. La vieille Figg qui avait la sale habitude de se mêler de ce qui ne la regardait pas lui demanda ce qu’il faisait là. Il parvint à murmurer :
- Elle reviendra, elle ne peut pas m’abandonner.
Les heures avançaient et son angoisse croissait. Sous l’effet de la pluie, ses vêtements rapiécés s’attachaient à son corps. Bientôt, il tremblait de froid, de colère et d’effroi. Le soir, alors que commençaient à déambuler dans la rue des habitués d’un bar, il se décida à rentrer à contrecœur. Quatre jours d’attente passèrent et il exécuta le même rituel. Le désespoir avait laissé place à la haine. Il tenait à se venger d’une telle trahison.
Tandis qu’il s’apprêtait à rentrer à l’intérieur de l’immeuble, il entendit une voix faible l’appeler. Il fit volte-face et il vit sa silhouette.
- Va-t-en ! Je ne veux plus de toi.
Elle s’approcha, elle titubait. Ses pieds heurtèrent le trottoir et elle se retrouva à genoux.
- Je t’en supplie. Pardonne-moi.
Il se pencha sur elle et regarda tristement son corps. On l’avait tailladé le corps avec un couteau avec une lame très fine. Il ne pouvait pas la laisser comme ça. Il la releva et essaya de la porter. Arrivés à l’appartement, comme la première fois, il prit soin de panser ses blessures.
- Dis-moi qui t’a fait ça.
Sa bouche s’ouvrit. Aucun son n’en sortit. Il insista :
- Permets-moi de t’aider.
- Il est loin maintenant. Je m’en suis débarrassée.
- De qui tu parles ?
- Tomas. Il m’a forcé à venir avec lui et il m’a …
Cela lui arracha des larmes assassines rien que d’y penser.
- Mais qui est-il exactement ?
- Mon mari. Mon ancien mari. Il n’a jamais supporté que je le quitte et il n’a cessé de me pourchasser, de me … torturer. J’ai tout fait pour revenir à toi. Pardonne-moi.
- Tu as été pardonné au moment même où je t’ai vu.
Elle le fixait, un sourire triste sur les lèvres. Il la prit dans ses bras et lui promit qu’il n’oserait jamais faire une chose pareille.
Mignardise