Le jour ne s’était pas encore levé lorsqu’Akito remit des bûches dans l’âtre de la cheminée. Ce matin là, il lui fallait un café noir bien corsé en attendant que son hôte se réveille et que le garde forestier vienne la chercher. Il avait hâte d’être seul. Il était assis sur les marches de l’escalier en bois de la cabane lorsqu’Elise sortit une tasse de café à la main. Il lui demanda si elle avait passé une bonne nuit et lui certifia que le garde arriverait bientôt. Elle lui fit un sourire en pointant son doigt dans la direction du sentier. Le jeune homme sans montrer son impatience de la voir s’en aller lui proposa de chercher ses affaires à l’intérieur. En sortant, Élise avait déjà pris place dans la voiture. Il lui remit son sac à dos et après avoir échangé quelques mots avec le garde forestier s’éloigna en les saluant. Bientôt le véhicule disparut après le virage. Enfin, il pouvait suivre la voix de son cœur. Et la journaliste lui semblait bien pressée de partir. C’est vrai, il lui avait menti à propos des histoires des habitants de la montagne mais il le fallait bien pour l’éloigner d’ici, du moins le temps qu’il fasse ce qu’il avait prévu. Élise allait sûrement revenir lorsqu’elle aura compris son petit jeu de diversion ! Mais c’était aujourd’hui le premier jour de l’hiver…
Akito avançait dans son bateau à moteur sur la rivière. Ses yeux cherchaient quelque chose sans savoir quoi exactement. Il sondait les bois. Son regard passait d’une rive à l’autre quand soudain il vit un cerf et, dans ses pattes, un renard blanc. Immédiatement, il coupa le moteur pour ne pas les effrayer. Il se laissa porter par le courant calme et lent. Il était comme un gamin émerveillé devant cette scène incroyable. Akito ne doutait plus. C’était le signe qu’il espérait. Il avait bel et bien trouvé ce qu’il cherchait. L’endroit même où la belle et son pêcheur s’étaient rencontrés dans les temps anciens. Son cœur battait si fort qu’il pouvait l’entendre entre les clapotis de l’eau. Puis il pensa aux paroles de son grand-père. Il entendait la voix de Mizunoseï. Il savait à présent pourquoi il avait emporté la rose avec lui. Il la prit, se mit debout dans son bateau en s’adressant à Miyuki. Le jeune homme lui exprima sa tristesse, sa peine et sa compassion. Il croyait en elle, en lui. Pour Akito, ils avaient vraiment vécu, il le sentait tout au fond de lui. Alors qu’il rendit la rose à la rivière, des flocons de neige descendirent du ciel. D’abord il en fut très ému puis un sourire se dessina sur son visage. « Merci Miyuki, merci pour ce magnifique cadeau de la Grande Dame de l’Hiver, j’entends ta voix, oui la voix du silence ! »
Après un recueillement dans les profondeurs de son âme le jeune homme ouvrit ses yeux qui se posèrent sur la rivière. Des pétales de roses recouvraient toute la surface de l’eau autour de lui ! Akito était fou de joie, il ne pouvait s’empêcher de rire, ce n’était pas du sang dans son rêve mais le spectacle époustouflant de cet instant magique en ce fameux jour dont parle la légende des enfants du couple du ciel. Enfin, avant de retourner à la cabane des pêcheurs pour se reposer dans un sommeil profond Akito fit une promesse à Daïki. « Mon cher ami, demain j’irai à la pêche dans ta barque » …