Part 3 : La majorité
Les années passèrent et l’esprit de la glaise et de l’argile succomba à d’autres caprices de la jeune fille. C’est ainsi que la forêt fut peuplée d’animaux de tout genre. L’un des compagnons préférés de Miyuki hormis Shika, était Byakko un renard au très beau poil blanc aux yeux en amande d’une couleur vermeille. Elle l’emmenait partout avec elle en promenade. Ils adoraient fouiner dans les moindre recoins de la forêt pour y dénicher des trésors éclos depuis la création des animaux. Il fut bien attristé le jour où il apprit que sa jeune amie était rappelée auprès de sa famille pour la grande réunion des esprits du Cosmos.
- Mais grand-père, elle n’y était pas retournée tout ce temps ? Et, elle reviendra vers ses amis ?
- Mon petit, veux-tu me chercher la pipe et le tabac dans le tiroir du haut de la commode près de la fenêtre ?
- Euh, oui, tout de suite grand-père.
Akito se précipita vers le meuble, ouvrit le tiroir, y pris ce que le vieil homme lui avait demandé et retourna prendre place à ses côtés en l’observant faire ses gestes si familiers. Il aurait voulu se passer la scène en avance rapide comme sur un lecteur de film tellement il brûlait de connaître la suite de l’histoire. Ne tenant plus, il lui posa une autre question.
- Elle avait quel âge ? Je veux dire quand elle fut rappelée sur son étoile natale…
Le grand-père reprit son récit en lui coupant la parole, les yeux dans le vide :
Miyuki venait d’avoir ses vingt et un ans. Et lorsque le dernier enfant-esprit d’un couple avait atteint la majorité, il fallait leur attribuer un rôle dans le cosmos. Ils deviendraient des maîtres à leur tour et l’attribution du lieu de leur règne se faisait selon le don de chacun. La jeune femme savait maintenant ce qu’elle était capable de faire mais elle ne pratiquait que rarement car personne n’avait d’admiration pour son don. Ce qui n’était pas le cas de ses frères. Ils avaient été gratifiés de bien meilleurs atouts qu’elle. Eux plaisaient à tous les esprits, alors que Miyuki restait dans l’ombre, n’attirant que les esprits tristes, déprimés ou accablés par le bruit et les couleurs vives de leur étoile sans cesse en mouvement perpétuel. Ils étaient fatigués et n’aspiraient qu’au calme et au repos. Ce qu’elle ne savait pas encore, c’est que son père avait eu vent de ses caprices pendant son séjour sur la terre. Il était très mécontent et déçu de son comportement. Elle aurait du accepter son don et le travailler au lieu de s’adonner à des futilités, pire, elle l’avait ignoré. Sa colère fut encore plus grande lorsqu’il su que ses frères venaient lui rendre visite sans sa permission et qu’ils s’étaient laissés entraîner dans ses jeux puérils avec ces êtres fabriqués de l’imagination débordante de sa fille à l’aide de l’esprit de la glaise et de l’argile. Il avait pris sa décision. Ils ne méritaient pas de régner sans avoir fait leurs preuves de maturité et de sagesse. Ainsi, se résignèrent les enfants du couple après la réunion familiale, à accepter de se partager le pouvoir sur la terre en quatre périodes sous le commandement de chacun par le don qui leur a été offert. Et les saisons apparurent sur notre planète bleue et avec elles les hommes.
Au début, les esprits étaient surpris par leur apparition et surtout par leurs comportements étranges. Certains fuyaient devant eux car ils ne comprenaient pas que les hommes ne puissent faire qu’à leur tête, ils n’écoutaient rien, ils ne leur parlaient pas, ils les ignoraient. Enfin, quelques-uns parmi ces êtres faits de chair et d’os arrivaient à communiquer avec les esprits qui étaient restés là malgré tout. Après une longue attente dans une patience infinie, les esprits scrutaient le moindre signe de ses hommes qui malheureusement disparaissaient comme ils étaient apparus pour toujours dans les entrailles de la terre. Avec le temps, ils s’en détachèrent et ne se rendaient guère encore dans les lieux habités par les hommes.
