Comme je m’y attendais, il est assis là sur son trône des enfers, imperturbable, insondable et si majestueux à mes yeux. Aura-t-il pitié de moi ? Où me renverra-t-il dans ce monde d’en-haut dont je ne veux plus ? Mon esprit trop lâche fuit ma raison, mon corps épuisé s’étale sur le sol poussiéreux à ses pieds. Rien. Rien ne se passe. S’il a décidé de m’ignorer qu’il m’ignore, je resterai ainsi jusqu’à ce que la dernière parcelle de volonté ai totalement disparue en moi. Face contre terre, j’écarte les bras en forme de croix en signe de soumission corps et âme à mon Seigneur roi des ténèbres et je n’attends plus rien. Je n’espère plus rien. La mort peut-être ? Un bruit, le claquement d’un livre qui se referme subitement me rappelle que je suis toujours allongée à même le sol devant le Seigneur des enfers. Je sens son attention sur moi. Son œil expert sonde les profondeurs de mon être et sa voix intrigante résonne dans ma tête en de petits bouts de phrases, un amas de mots assez distinctifs pour que je saisisse la signification propre à chacun d’entre eux sans pour autant parvenir à reconstituer l’ensemble de ses paroles. Je m’efforce de les mémoriser, de les assembler et d’en trouver le sens, pas moyen je n’y arrive pas. La colère monte en moi et j’essaie tant bien que mal de la maîtriser. Je me sens si pitoyable, je me suis traînée jusqu’à ses pieds et maintenant je suis incapable de le comprendre lorsqu’il s’adresse à moi ! Je voudrais être morte à quoi bon continuer de vivre quand tout m’échappe à chaque fois que je tends une main ? Ses doigts se glissent entre les miens, son corps s’étend de tout son poids sur le mien et mes mains sont broyées par son emprise. Alors que je peux sentir son souffle dans ma nuque, la pensée qu’il veut me faire fuir par peur me traverse l’esprit et fidèle à moi-même je lâche en quelques mots de quoi lui faire savoir que son manège ne m’impressionne pas et que je ne bougerai pas d’ici avant qu’il n’accepte ma requête. « Une âme errante vivante ! Il n’y a pas de place pour toi ici, vas t-en ! » me rétorque t-il aussitôt d’une voix forte en rajoutant que son royaume est celui des morts et que personne n’en sort ni entre sans sa permission. Il a regagné son trône comme si de rien était. Je me relève sur les genoux et cherche son regard de mes yeux desséchés mais pas encore clos par la brûlure de l’abandon. Ma patience pourra être mise à rude épreuve mon Seigneur je tiendrai. Oui je tiendrai…