version définitive
Jardin d’automne 3
Pieds nus elle s’abandonne.
- Va sombrer dans le jardin où quelques roses encore frottent leurs épines à d’intimes pensées…
La rivière ne gronde plus. Elle s'est apprivoisée. Douce et larvée, sous ses eaux dorment tant de rêves menaçants.
Comme elle s'avance, un étang vaste et noir se déploie. Alors attirée, comme appelée, elle approche, bras serrés, poings refermés.
Affleurent à peine les visages des noyées qui ont cru à ces jours longs d’été...
Une mèche de la blonde Ophélie flotte encore parmi les lys. Sous d'épais nénuphars pourrissants, elle glisse…Enfouissant sous la vase d'infâmes délices...
Lumières d'automne. Brume…
Quels fantômes en silence envahissent l’étendue verte et nue ?
Quelle cohorte aux regards grinçants sous la lune, aux sourires tordus, s'embusquent dans ces vestiges désolés ?
- Quels démons t’attendent, impavides, embusqués, dans la bruyère, sur la lande ?
Les fleurs ont fané. Leurs pétales se referment carnivores sur un ciel qui fut étoilé. Les feuilles frémissantes s'abandonnent à la chute. Des racines émergent et claquent leurs pièges. Mâchoires grotesques. Béantes morsures.
L’herbe est sans couleur. Sourde douleur. Mousse visqueuse qui palpite en silence.
Elle est capturée. Un pied après l’autre elle s’enfonce. Elle s’abîme.
…Drapés obscurs…
…Presque absence…
Sur son visage, livide cicatrice, des insectes se nourrissent, aux baisers ivres de vice. Sa lèvre frémit, regard qui se voile, conscience abattue, abandon au supplice.
S’efface jusqu'à la trace d’une présence, appel ignoré d’une pauvre bienveillance. Combat pour encore un peu d’air… respiration brûlante amère…
Incandescence !
Lutte. Odeurs de vase. Le long d’un corps les algues partent à l’assaut. Ses mains peinent à se dresser, sa gorge s’emplit d’un poison musqué…
L’eau s’est refermée sur un viol achevé.
Hébétée, elle a traversé.