13 heures…failli piquer du nez ; mais repas pas assez copieux pour une sieste digestive…pourquoi je précise, en ce moment mes siestes ne sont jamais autres que digestives… je le relève, le nez, et décide de m’occuper en scrutant l’immeuble laid d’en face (ouah…ça envoie, non, ça : l’immeuble laid d’en face ?? vais me mettre au rap, ou au slam . Je deviendrai célèbre, serai invitée au resto par mon patron pour fêter mon deuxième césar –oui parce qu’on m’aura fait des propositions dans le 7ème art-, Isabelle, me dira-t-il, j’ai toujours cru en vous, je peux vous appeler Isa ? Ah, non ! Certainement pas !! Qu’entre nous, sur vos genoux, Isa reste la belle…je peux vous appeler Edouard? Oups…je sors du sujet, là…de certains sujets j’aimerais bien ne pas sortir, m’y blottir…vilain sujet…hem, hem, bon, revenons à cette vieille vieille maison, à cette hideuse bâtisse, à cette moche bicoque.)

Au deuxième une fenêtre est ouverte, on devine un couple ; ont déjà fini de manger, peut-être ; ah, ça s’agite ; une petite main sort d’une manche fuchsia et fait mine de lancer quelque chose dans la rue ; une enfant, trois ans, peut-être ; a-t- elle réellement lancé quelque chose, je ne sais pas mais la mère la tire vers l’intérieur, j’imagine la réprimande. Cette fois c’est un homme qui s ‘avance, se penche par-dessus la balustrade rouillée, regarde en bas. Il n’y a rien à voir, semble-t-il ; il secoue la tête, et referme la fenêtre. Flûte alors, j’avais trouvé un moyen, pour pas cher, de me distraire. Maintenant dans la vitre je ne vois que le platane du parking qui hésite, vibrant reflet déformé d’une autre réalité…j’aurais dû prendre un livre. Mais quel livre, je ne lis pas, ou si peu ; des bouquins de cuisine, des catalogues de mode, des magazines, enfin pas ce qui s‘appelle lire. J’avoue que ça pourrait rendre service, distraire…mais comme chaque fois que je fais une tentative je me trouve stupide, à ne rien voir dans ma tête, à trouver l’histoire bête…j’ai trop d’imagination dit ma mère, ou pas assez, selon les jours. Là, c’est sûr j’aurais dû anticiper, prévoir un truc pour me désennuyer.

Tiens on ouvre à nouveau la fenêtre, je vois à nouveau la petite ; et mieux, cette fois ; elle est tout en rose, forcément, une tignasse bouclée, mal peignée ; d’ici j’imagine la figure mal débarbouillée, un peu du reste de midi dans le pli du sourire, car elle sourit. Tiens, c’est même à moi qu’elle sourit, je lui fais un petit signe pour bien montrer que j’ai pas d’apriori, fuite immédiate, ça a été efficace…y a pas à dire, je sais m’y prendre avec les gosses. On la prend dans des bras et on l’emporte, furieux petit paquet …l’heure de la sieste ? L’a pas l’air de vouloir trop dormir, tout de même ; peut-être espoir de sieste pour les parents, alors…digestive, ou crapuleuse…les murs doivent être indiscret dans cette vieille bicoque, je comprends l’urgence d’endormir la petite… et hop, on referme encore une fois la fenêtre.

Mais il est 13h 45, je vais devoir me hâter à petits pas, pas trop pressés, vers la deuxième partie de la journée.