Divagations d'un soir d'hiver
Un jour,
Parvenu à un âge,
On découvre que la vieillesse vient vers soi.
À petit pas.
Elle semble inoffensive et pourtant elle inquiète,
Comme un enfant qui cache un couteau.
Non, on ne s’enfuit pas.
Le voudrait-on que l’on ne le pourrait pas.
Certains essayent et se couvrent de ridicule
En s’aspergeant de crèmes anti-âge,
Le mot même est drôle,
En se faisant poser des implants,
Tirer la peau du visage,
En avalant des quantités astronomiques de pilules,
En collectionnant les cachets de vitamines,
Les injections d’hormones.
En vain, car ce qu’ils gagnent en parties lisses,
Ils le perdent en humanité.
Les voilà extraterrestres tout à coup,
Affublés de bouches aux lèvres distendues
De sourires figés,
De pommettes saillantes,
De paupières immobiles.
Dès lors, ils exhibent une beauté de matière plastique
Qui ne fait rêver qu’eux
Devant le reflet que renvoient les miroirs,
Les vitrines de magasins,
Les vitres teintées de leurs voitures grand luxe,
Cependant que, par derrière eux, les autres,
Ceux à qui ils voudraient ressembler encore,
Les plus jeunes, rient de leurs futiles aspirations.
La mort aussi rit, plus fort que tout ce monde,
Mais pour une autre raison.
Donc, un jour, s’approche la vieillesse.
Là, le mot inexorable prend tout son sens.
Évidemment, on peine à soutenir son regard,
Quoi qu’en disent les plus vantards.
Alors, on se retourne en arrière,
Peut-être dans l’espoir d’oublier
Ce futur bouffi et raviné,
Cet avenir aux crocs d’acier,
Mais le passé est mort.
Le passé est un cadavre en décomposition.
Il n’y subsiste que des vieux jeunes,
Des ricanements égarés dans les replis du temps,
Des obsessions vitales qui ont perdu leur sens.
Le passé est devenu un lieu où les souvenirs flottent,
Baignent dans une mer de mélancolie,
Un peu comme des étrons à la surface d’un lac,
Ultimes preuves d’une existence antérieure,
Nauséeuses néanmoins et nauséabondes.
Rester là, sur le fil du temps.
Surtout, ne pas regarder à droite ou à gauche
De peur de se noyer dans l’un ou l’autre de ces infinis.
Peut-être est-ce là l’unique recours,
Avancer, pas à pas, et s’étonner toujours.
Toutes ces choses et tant de vide autour,
Tant de vide !
DRK