Baba yaga Poète
Messages : 950 Date d'inscription : 06/07/2011 Age : 52 Localisation : au fond d'un bois de blancs bouleaux
| Sujet: Quiche dominicale ! [Quiche froide et cie /17] Dim 13 Mai - 10:15 | |
| 17. Où l’on suspend le temps 6 novembre 2010 J’ai rencontré hier notre logeuse. Nous avons parlé, comme chaque fois elle est heureuse d’avoir de la visite et se répand en compliments et cajoleries devant l’enfant. Et comme chaque fois en la voyant je me souviens de la première fois où nous avons croisé sa route solitaire. C’est elle qui était venue à nous, dans ce bar où nous avions nos habitudes : esseulée elle y venait chercher le temps d’un dîner un peu de compagnie, quant à nous, nous y jouions depuis peu le prélude à nos rencontres clandestines. Assise au fond de la salle, -elle était probablement une cliente fidèle , ce qui lui valait chaque jeudi ce privilège- elle nous avait observé, puis le serveur, un jeune à l’accent chantant qui devait avoir à peine 20ans, nous avait apporté deux coupes remplies d’un liquide ambré ; comme tu avais observé que nous n’avions pas commandé d’apéritif, il nous avait indiqué la vieille dame :
-De sa part, avait-il ensuite précisé, haussant les épaules comme s’il n’était pas à une bizarrerie près. C’était une gentille attention, nous avions salué, souriant, avant de boire nos kirs à la châtaigne.
En sortant, nous nous étions sentis obligés d’engager la conversation. Elle avait eu un regard empreint de gentillesse et de nostalgie. Elle possédait un petit appartement à louer, cherchions-nous quelque chose ? Nous nous étions regardés, abasourdis…Si cela nous convenait…dans la foulée, nous avions visité, cela convenait. Et cela avait convenu toutes ces années, quand mon monde se réduisait à ta main sur ma peau, quand l’humidité qui suintait des murs n’entamait pas notre moral, quand l’argent que nous n’avions pas dessinait des rêves de voyages et d’évasion accessibles sûrement un jour…quand maintenant rimait avec toujours…
Je lui ai trouvé l’air fatigué ; elle sourit toujours gentiment mais je parierais qu’elle sait, et qu’elle se désole aussi que nous ne la fassions plus rêver. J’aurais aujourd’hui tout donné pour qu’elle propose de garder la petite un soir, pour que nous nous retrouvions, toi et moi ; peut-être a-t-elle deviné mon attente ; elle m’a confié qu’elle avait fait un malaise récemment, qu’elle ne se sentait plus aussi forte qu’avant. Je n’ai pas eu le cœur de le lui demander. Dans notre solitude partagée, il n’y a personne d’autre. Ce sera donc une soirée comme tant d’autres, où nous nous frôlerons sans même en avoir conscience quand autrefois un simple effleurement me bouleversait toute. Ma vie était redevenue elle-même. Je m’explique : non pas que qu’elle ait été fondamentalement autre, mais voilà, Fred était parti, mon épaule allait mieux, j’avais fini par reprendre le boulot. Le temps avait changé, il faisait froid à présent, même le doux regard de mon boss semblait s’être durci avec les premiers frimas, tout le monde était emmitouflé, se barricadait sous des couches épaisses de vêtements, et prenait l’air excédé lorsqu’il s’agissait d’ôter le surplus d’écharpes, gants, pulls, etc. Même moi, qui d’habitude prenais plutôt plaisir à ce striptease autorisé, j’étais pressée d’être débarrassée de cette corvée, et de me retrouver callée, invisible, derrière mon ordinateur, sans plus de sex-appeal qu’une plante en pot. J’aurais bien voulu bien échapper au cliché de la p’tite déprime post-largatoire, mais …le fait est que depuis le départ de Fred je ruminais autant qu’une vache normande et tentais de me convaincre que c’était mieux ainsi tout en sachant que c’était, peut-être, faux, et que, peut-être, nous avions quelque chose à construire ensemble ; que la couardise nous en avait, peut-être, empêchés. Quand je me mets à employer de grands mots c’est que je suis vraiment déprimée. Alors plutôt que me jeter sur la crème glacée parce que et d’une ça fait aussi cliché et de deux ça fait grossir, je tentais de me consoler avec la vie d’une autre…Il m’est arrivé de penser que la vie de Nadine était vraiment pire que la mienne. Il me restait peu de textes à lire, et je ne me sentais pas toujours très à l’aise. C’est vrai que pendant un moment j’avais eu cette impression de devenir une confidente, comme si mon attention et mon intérêt avaient pu réellement la soulager, comme si elle pouvait avoir conscience de ma présence silencieuse ; plus dingue encore, comme si elle m’avait choisie. Je ne sais pas…j’éprouvais tout à coup un sentiment d’urgence. Il fallait que j’essaie de la retrouver et que je lui remette la clé. Mais plus j’étais déterminée, plus j’étais convaincue, plus j’avais peur. Peur de quoi ? Je ne suis pas quelqu’un de timoré, plutôt la grande bringue marrante qui dit toujours deux fois tout haut ce que l’on n’ose à peine penser tout bas…avec la satisfaction d’avoir au mieux vidé l’abcès, au pire amusé la galerie. Sauf que là je n’avais aucune idée de qui la composait, la foutue galerie. |
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féfée Poète
Messages : 2481 Date d'inscription : 10/11/2010
| Sujet: Re: Quiche dominicale ! [Quiche froide et cie /17] Dim 13 Mai - 18:25 | |
| Ta quiche me manquait, j'adore ! |
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Baba yaga Poète
Messages : 950 Date d'inscription : 06/07/2011 Age : 52 Localisation : au fond d'un bois de blancs bouleaux
| Sujet: Re: Quiche dominicale ! [Quiche froide et cie /17] Dim 13 Mai - 19:33 | |
| Merci beaucoup, féfée, pour ta fidélité! |
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lutece Administrateur-Poète
Messages : 3375 Date d'inscription : 07/11/2010 Age : 67 Localisation : strasbourg
| Sujet: Re: Quiche dominicale ! [Quiche froide et cie /17] Lun 14 Mai - 14:17 | |
| ...J'avais oublié la saveur de cette quiche. Une fois de plus je me suis régalée....et j'en redemande. |
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| Sujet: Re: Quiche dominicale ! [Quiche froide et cie /17] | |
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