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 quiche froide / 7

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Baba yaga
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Baba yaga

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MessageSujet: quiche froide / 7   quiche froide / 7 EmptyDim 27 Nov - 12:25

7. Situations familiales

7 octobre 2011
Il y a longtemps que je ne me suis pas confiée ici. Les mots je le sais vont pourtant revenir facilement, puisque c’est de toi que je veux parler. Tu n’es pas parti, finalement.

Nous mentons toujours au monde, avons toujours l’air d’être une « vraie » famille. Quand c’est moi qui vais chercher la petite à l’école, la maîtresse dit : tiens, maman est là, viens, on va voir maman ; elle me sourit, depuis deux mois je n’ai jamais cherché à la détromper. Non, vous savez, je ne suis pas la mère de la petite, juste la compagne de son père. L’enfant me tend les bras, gazouille un « nana » attendrissant, abréviation de Nadine - tu ne m’as jamais appelée autrement. Ce qui compte c’est qu’elle est heureuse de me voir, ne fait pas d’histoire pour venir avec moi, se laisse sangler sur le siège auto, agite sa menotte quand on passe devant sa copine Lucie qui rentre à pieds avec son grand frère.

Mais qu’est-ce qu’une « vraie » famille…Est-ce le couple du troisième, qui s’engueule pratiquement tous les jours ? Le gamin qui, le dimanche attend en robe de chambre sur le palier que ses parents aient fini de se battre, a-t-il conscience de sa chance infinie, celle qui lui fait partager une partie du patrimoine génétique de ces deux êtres qui devant lui s’envoient à la figure assiettes et injures? Est-ce la famille qui habite l’immeuble d’à côté, deux petites filles de lits différents, élevées quasiment comme des jumelles depuis que le père de l’une et la mère de l’autre ont décidé de recomposer leur vie ensemble ? La mère les amène à l’école, à pied, elle les coiffe à l’identique, queue de cheval haute sur la nuque ; l’une est un peu plus boulotte, les deux jacassent tout le long du chemin. Le soir après 17 heures, c’est le père qui les ramène, avec lui elles parlent aussi, par la fenêtre ouverte j’entends des bribes de confidences, sans pouvoir distinguer leurs deux voix, lui se tait, sourit. Est-ce, enfin, la vieille dame qui vit au-dessus du bureau de tabac avec pour seule compagnie son caniche ? Et puis est-ce la nôtre, nos deux solitudes un jour fondue l’une avec l’autre, et au milieu du nid, ta fille, comme le trait d’union comblant le vide de nos vie…Aurions-nous pu être cette famille normale, sommes-nous peut-être, même si je l’ignore, cette famille-là ? Pourquoi alors ai-je l’impression que nos vies sont comme flocons de neige, donnant l’illusion de l’unité blanche et froide, mais, si l’on regarde bien, si l’on prend la peine de s’approcher et de s’imaginer scruter au microscope, on verra trois cristaux aux formes découpées et délicates, trois cristaux distincts, frottant les uns contre les autres leurs extrémités, espérant ainsi se fondre en une forme commune, sans jamais y parvenir.

Peut-être ai-je tort. La chaleur de la main de l’enfant dans la mienne me le donne parfois à penser. Je ne l’ai pas portée dans mon ventre mais je sais l’aimer, et m’applique chaque jour à vous le montrer.

Et puis tu arrives, tu es là, tu demandes : où est ma fille ? Et tout est à recommencer.


Je passais l’après-midi à la maison, je n’étais pas allée bosser. Mon épaule me faisait toujours un mal de chien malgré les antalgiques. Le matin je m’étais sentie mal pendant la présentation ; du coup tout le monde était aux petits soins, tout juste si on ne me décernait pas la médaille de l’employée la plus méritante ! Je dus promettre que je passerais chez le médecin en sortant, cela dit je dois reconnaître que tant d’attention ce n’était pas désagréable finalement.

Bon le médecin a diagnostiqué une déchirure des ligaments, long, ça, apparemment et embêtant. Je suis arrêtée jusqu’à mercredi, après on verra, a-t-il dit. On, c’est à dire lui, parce que moi, si j’avais eu mon mot à dire, je serais retournée bosser dès lundi. D’abord parce que j’aimerais profiter de toute cette gentillesse à mon égard avant qu’elle ne s’évanouisse ! Ou ne se porte au bénéfice de quelqu’un d’autre, ce qui revient au même – entre celles qui sont toujours en instance de divorce, celle qui ont des gamins infernaux ou malades –même résultat, yeux rouges au coin café, et voix chevrotante, c’est qu’je dors plus, tu sais, celles dont le mari est en cure de je ne sais quoi, y a le choix, et je ne serai pas longtemps le premier choix, justement ! deuxio : à mon retour je serai submergée de boulot, en retard sur tout, le retard exceptionnel s’ajoutant aux retards habituels, et forcément on m’en rendra responsable, avec délicatesse, hein –bien sûr Isa c’est pas votre faute mais en votre absence le dossier*** est arrivé, puis il faudrait rappeler Mme **, vous savez, cela aurait dû être fait lundi mais comme vous n’étiez pas là, non bien sûr ce n’est pas un reproche, nooooooon ...mais le toubib a été ca-té-go-rique : hors de question, mercredi au plus tôt ; et je compte vous revoir dans 10 jours.

Alors voilà, j’étais là, le bras en écharpe, à m’apitoyer sur mon sort. Pour me désennuyer, moi qui d’habitude ne lis jamais, j’avais re-ouvert le dossier de la clé. Bizarre comme je ne peux m’empêcher de m’identifier à cette nana. Pourtant nous n’avons rien en commun : elle a une fille -bon, c’est pas la sienne apparemment, enfin c’est elle qui l’élève tout d’même, non ? Alors que moi, les gnomes…déjà chez les autres ça m’horripile. Alors en avoir à moi ! Pouah ! À tout prendre je préfèrerais même avoir un chat ! Et puis elle a connu l’amour…même si cela n’a pas l’air d’être rose tous les jours, elle vit avec l’homme qu’elle aime, elle. Moi le mien était à des kilomètres, vive internet, certes, mais il avait de moins en moins de temps à me consacrer, la liaison est mauvaise, etc etc. Je commençai à comprendre que j’allais bientôt pouvoir cocher la case « célibataire » sur les formulaires des sites de rencontre…enfin je dis ça...mais ce n’est pas du tout mon genre, je préfère m’en remettre au hasard, un jour je rencontrerai un beau mec qui ne partira pas étudier au pays de Goethe. Ou bien mon patron se lassera enfin des dents proéminentes de son épouse, baissera les yeux et me découvrira, prête à ...Heu…à quoi au juste…je m’égare, je m’égare ; avec mon bras en écharpe et mon regard aussi cerné qu’un excès de vitesse sur autoroute, de toute façon chui pas très glamour en ce moment. Bref bref, me voilà donc devant mon ordinateur sans autre projet que a) tenir jusqu’au paracétamol de 18 heures (comme ça, ibuprofène à 22 heures, et l’espoir d’une nuit à peu près complète ; sauf si comme la nuit dernière je me retourne sur l’épaule fautive avec la délicatesse d’un déménageur soulevant un quart de queue…j’ai crié comme un chat qui se fait marcher sur la queue, justement. J’étais en train de rêver que j’étais en Moldavie, qu’il neigeait et qu’un bossu me courait après une fourchette en argent à la main. Et je me suis retournée pour tenter de vérifier s’il y avait un poinçon sur la fourchette.) Et b) –car il y eut un a) si si si…, sans autre projet que lire le contenu de la clé ; je dois avouer que mes scrupules s’évanouissaient au fur et à mesure; comme si le fait de lire légitimait la lecture… j’ai moi-même du mal à comprendre ; enfin j’avais l’impression de presque connaître cette femme, comme si c’était elle-même qui m’avait choisie comme confidente et non moi qui serais entrée par erreur dans son intimité.
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lutece
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lutece

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MessageSujet: Re: quiche froide / 7   quiche froide / 7 EmptyDim 27 Nov - 13:30

J'aime toujours autant cette histoire qui me tient en haleine, j'adore ta plume, la façon dont tu jongles entre et avec les personnages. Bravo Wow ! Super !
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féfée
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féfée

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MessageSujet: Re: quiche froide / 7   quiche froide / 7 EmptyDim 27 Nov - 22:23

J'aime beaucoup ! J\'aime !
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Déméter
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MessageSujet: Re: quiche froide / 7   quiche froide / 7 EmptyMer 30 Nov - 13:23

Toujours aussi bien écrit !
Une lecture suivie avec intérêt.
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Baba yaga
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Baba yaga

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MessageSujet: Re: quiche froide / 7   quiche froide / 7 EmptyMer 30 Nov - 15:09

merci pour vos encouragements! N'ayez crainte, il m'en reste, de la quiche!!
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MessageSujet: Re: quiche froide / 7   quiche froide / 7 Empty

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