Alice était ce qu’on appelle communément une vieille fille. Elle vit dans un vieil appartement parisien depuis toujours, ses parents l’occupaient avant elle et, tout rappelle leur présence. C’est comme si le temps s’était figé.
La seule fantaisie qu’elle s’accordait, vu sa maigre retraite, c’était sa sortie dominicale aux puces. Elle partait de bon matin, accompagnée de son chat Bébert, qui la suivait partout. C’était comme deux solitudes qui s’étaient trouvées. Elle l’avait recueilli un dimanche aux puces de St Ouen. Il l’avait suivi et depuis ne la quittait pas d’une semelle. De plus, il l’aidait dans ses achats. Souvent il s’arrêtait devant un objet et battant l’air de sa queue, et Alice achetait l’objet comme si le matou lui indiquait que c’était l’affaire du jour.
Chez elle, ce n’était que bric à brac hétéroclite de toutes ces choses dont les autres ne voulaient plus.
Ce dimanche était particulier. Elle le sentait bien en voyant Bébert tout excité. Leur pas les guidèrent devant la boutique d’un vieux chinois qu’Alice n’avait jamais vu auparavant. Tout de suite, son regard fut attiré par un miroir sur pied. Bébert miaulait en se frottant contre les jambes de sa maîtresse. Le prix était élevé, certes, mais le vieux chinois lui consentit une remise importante, lui affirmant que c’était un miroir magique. Elle s’empressa de retourner dans son petit appartement et frotta le miroir si bien qu’elle lui rendit une nouvelle jeunesse.
Cette nuit-là, un phénomène étrange se produisit. Bébert disparut. Alice en fut fort attristée. Le félin ne sortait jamais et elle eut beau l’appeler, il ne donnait pas signe de vie. Pourtant les portes et les fenêtres étaient closes.
La nuit suivante, dans son sommeil, elle eut l’impression d’entendre des miaulements. Elle se leva et fit le tour de l’appartement et, quelle ne fut pas sa surprise en apercevant le reflet de Bébert dans le miroir. Elle se retourna, il n’était pas derrière elle. Elle y perdait son latin. Elle s’approcha de la glace et, en effleurant la surface, se rendit compte que sa main traversait la surface. La curiosité l’emporta sur la crainte, et, très rapidement, elle passa d’abord un bras, puis sa jambe et pour finir, tout son corps. Alice était passée de l’autre côté du miroir. Elle y retrouvait Bébert et, un appartement à l’identique du sien, avec tout ses bibelots et breloques. Mais, en plus, elle retrouvait tous les être chers à son cœur et décida de rester de ce côté-ci, d’ailleurs il était impossible de revenir en arrière, la surface du miroir était dure comme du marbre.
Le propriétaire, étonné de ne plus percevoir son loyer, et ne trouvant trace de la présence d’Alice mit en vente les quelques biens de sa locataire, pour couvrir les dettes de la pauvre femme.
Le jour de la vente aux enchères arriva. Il n’y avait guère foule, aucun objet de valeur. Cependant, un vieux chinois, inconnu dans le quartier, s’empara sans hésitation d’un vieux miroir sur pied…
…Quelques années plus tard, John était de passage à Paris et voulait rapporter à sa jeune épouse un cadeau un peu original. Il se rendit aux puces et un chat se frotta à ses jambes en l’entraînant devant la boutique d’un vieux monsieur chinois. Il miaula devant un miroir, ce qui attira l’attention de John. Il était magnifique, c’était cela le cadeau parfait qu’il recherchait. Il l’acheta et se rendit à l’aéroport. A l’arrivée, son épouse l’attendait et très vite il lui offrit son cadeau. " Regarde Alice ce que j’ai trouvé à Paris" …..