Je suis vierge. Vierge et promise aux Dieux.
Depuis toujours je le sais. C'est écrit.
Mes sœurs et moi vivions sur l'île Müurma depuis l'âge de six ans.
Des précepteurs sont venus me chercher chez mes parents le jour de mon anniversaire. Nous savions que ce jour marquerait le moment où nous nous séparerions pour toujours.
Mon cœur était lourd. J'aimais mes parents. Ma mère me tint serrée contre elle puis caressa mon visage. Elle pleurait. Il y avait tant d'amour dans son geste que j'eus le sentiment que pour l'éternité, elle serait là pour me protéger. Mon père me regarda longuement. Il souriait. Ce jour-là, son regard m'apprit la confiance et la force.
Puis mes précepteurs, Tyrung et Büong, m'emmenèrent vers l'île Müurma. Le voyage fut long et fatigant. Nous parcourûmes champs et forêts, franchîmes de hautes montagnes et traversâmes mers et océans. Enfin, après de longs mois, nous arrivâmes sur l'île.
Elle était vaste et sauvage.
Notre barque accosta dans une petite crique au pied de majestueuses falaises. Nous empruntâmes un escalier creusé dans la roche. Les marches étaient hautes et irrégulières. J'étais épuisée. Büong me porta sur son bras. Il était fort et joyeux. Arrivés en haut de la falaise, nous nous reposâmes et contemplâmes en silence l'océan. Puis nous nous enfonçâmes dans une forêt dense et touffue et, au terme d'une longue marche, débouchâmes dans une immense clairière baignée de soleil. En son centre s'érigeait un magnifique temple en marbre.
Tout autour, une vingtaine de fillettes couraient, jouaient, se poursuivaient en riant. Je compris que toutes étaient là pour la même raison. Nous étions celles que les Dieux avaient désignées pour être leurs compagnes et porter leurs enfants. Nous en étions reconnaissantes et fières. C'était un incommensurable honneur.
Durant douze années, nos précepteurs nous enseignèrent les sciences, les arts, la philosophie et la magie.
Puis ils partirent.
Mes sœurs et moi restâmes seules sur Müurma, l'îles des Vierges. Nous attendions avec bonheur et un peu d'appréhension l'heure où les Dieux nous emporteraient dans leur royaume. Nous vivions dans la joie et la tranquillité. Müurma recèlait des myriades de trésors visibles et invisibles.
Un soir que la lune était pleine et que nous chantions et nous exercions à la musique, Yohatée surgit en courant. C'était ma meilleure amie. Cette nuit était son tour de garde et elle épiait la mer du haut des falaises. La crainte dans les yeux, elle nous raconta le navire qui approchait nos côtes.
Nous frissonnâmes.