Baba yaga Poète
Messages : 950 Date d'inscription : 06/07/2011 Age : 52 Localisation : au fond d'un bois de blancs bouleaux
| Sujet: quiche froide et cie /10 Jeu 22 Déc - 15:07 | |
| 10. Où l’indispensable devient accessoire Après mon dimanche totalement éteint, je me préparai à entamer un lundi au moins aussi vaillant. J’avais fait une tentative à 9 heure, appelant le bureau en espérant entendre des voix débordées m’appeler au secours ; mais non, tout allait bien, personne n’est irremplaçable parait-il, en ce qui me concerne, au bout de trois jours ce proverbe déprimant se vérifiait déjà. Par orgueil je me refusai à téléphoner à ma mère, encore moins à mon frère. Çui-là, avec sa chartreuse…je le rendais responsable de mes déboires dominicaux.
La veille j’avais lu, perdant toute notion du temps jusqu’à ce que l’obscurité me fasse émerger des pages de celle qui n’était désormais plus vraiment une étrangère. Lorsque j’ai pris conscience que la nuit était quasiment tombée, je réalisai du même coup que j’avais passé la journée sur l’ordi, sautant allègrement le repas de midi. Ce qui d’ailleurs n’était pas un mal, j’avais pris samedi soir au moins un mois d’avance en matière de calories ; dommage que mon corps ne le sache pas, il réclamait à nouveau, pourtant je me dégoûtais à l’idée que la moindre parcelle de nourriture, solide ou bien liquide, franchisse à nouveau ma bouche un jour. Je m’étais alors un peu secouée, allant jusqu’à me faire chauffer une brique de soupe à la tomate, que je bus à même le carton, l’esprit ailleurs, debout devant le micro-onde. C’est souvent là, dans ma cuisine mal rangée, devant mes appareils ménagers, que mon esprit s’évade, que mon cœur bat la chamade…Je m’imaginais dans cette autre vie, j’y voyais bien plus d’intérêt que dans la mienne, d’accord cette femme avait souffert, souffrait toujours, mais qu’est-ce qu’une vie sans souffrance ? Plate, monotone, chaque jour filant le même coton livide que le précédent, pour au final voir s’allonger au fil des jours la longue écharpe insipide de ma vie…
Et c’est complètement déprimée que j’allai me coucher, ayant au moins le pauvre réconfort de n’avoir pas à espérer un coup de fil de Germanie, qui, je le savais depuis vendredi, ne viendrait plus. Tant mieux. Les semaines précédentes, je m’étais épuisée à guetter ainsi, coup de fils de plus en plus rares, mails de plus en plus courts…Quand moi j’en écrivais deux par jour, ne pouvant m’empêcher de répondre dans la minute, Fred se faisait cruellement attendre, arguant de sa vie tellement prise, alors que la mienne, spa était tellement vide…Certes, j’avais du temps à perdre, moi, pour lui écrire, pour attendre, pour le lire…mais sans rancune, les choses étaient claires à présent, il allait pouvoir se livrer tout entier à l’étude de la langue de Goethe, jeune Werther à jamais préservé des émois de sa Charlotte…
Janvier 2011
Après être restés quelques mois dans cette maison nous avons dû partir. L’immeuble où nous avons emménagé ensuite ne possède aucun charme ; il est haut, décrépi et froid. Nous étions encore plus à l’étroit : une pièce cuisine, un petit cabinet de toilette, remplissant d’ailleurs les deux fonctions suggérée par son nom, et une chambre. Le petit lit de l’enfant est dissimulé par un rideau, mais cela ne t’empêchait pas d’avoir une conscience aigüe, cruelle et continue, de sa présence. Ayant réussi à dégotter un emploi de caissière j’avais décidé de sacrifier une partie de ma paye pour payer quelques heures de crèche ; tu restais à la maison et j’ai encore dans mon ventre le souvenir heureux de ces heures de mi-journée où nous nous retrouvions seuls, avant que je ne reprenne mon service de l’après-midi. J’y pensais depuis le matin, j’assortissais culotte et soutien-gorge en prévision de ce moment où tu poserais tes mains sur moi. Je t’entends encore exiger que je plonge mon regard dans le tien, jusqu’au bout, quand tu refusais de me voir chavirer derrière la barrière de mes paupières…je nous croyais éternels alors.
Et puis, conséquence de la crise, je me suis retrouvée d’office à mi-temps, comme tant d’autres femmes, et heureuse avec ça d’avoir encore un boulot. Je restais à la maison garder la petite le reste du temps pendant que tu travaillais par intérim, parfois partant plusieurs jours pour des missions que nous ne pouvions refuser car un peu plus lucratives ; c’était alors à moi de me débrouiller pour faire garder Safia. Résultat, il nous a été très vite impossible de préserver un peu d’intimité : quand nous étions à la maison, l’enfant y était aussi. Je t’ai vu hésiter, t’éloigner, nos rapports sont devenus furtifs, pressés, sacrifiant davantage à l’hygiène qu’à la passion...ta main n’était plus si chaude sur mes reins, ton souffle se perdait de plus en plus rarement dans mes cheveux…moi-même je me sentais moins mollir quand tu entrais dans une pièce et pourtant…mon corps était toujours dans cette attente du tien, mon âme toujours dans cet espoir de la tienne.
Lorsque l’enfant est entrée à l’école maternelle j’y ai cru à nouveau. Mais le mal était fait.
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lutece Administrateur-Poète
Messages : 3375 Date d'inscription : 07/11/2010 Age : 67 Localisation : strasbourg
| Sujet: Re: quiche froide et cie /10 Jeu 22 Déc - 16:44 | |
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féfée Poète
Messages : 2481 Date d'inscription : 10/11/2010
| Sujet: Re: quiche froide et cie /10 Ven 23 Déc - 21:17 | |
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| Sujet: Re: quiche froide et cie /10 | |
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