20 septembre 2011
Hier tu es arrivé tôt. Elle s’était exceptionnellement endormie sur le canapé, devant la rediffusion de son dessin animé préféré. Tu m’as alors souri, tu as pris ma main et m’a entraînée vers la chambre. J’ai fermé la porte n’osant y croire ; tu m’as prise par les épaules et tu m’as allongée sur le lit. Tu souriais encore, et tu as pressé ton corps avec ferveur contre le mien. J’ai retrouvé ta chaleur.

J’ai cru que tout était recommencé, que rien n’avait vraiment changé. Peut-être est-ce le cas ; tu es toujours le même homme, être un père n’a pas pu tant te transformer, et moi…peut-être est-ce moi qui ne suis plus celle que tu as aimée, celle qui t’a suivi, jusqu’ici. Peut-être devrais-je me satisfaire de nos vies, peut-être pourrais-je me dire que ce sont celles que nous avons choisies.

Pourtant non.

J’ai rêvé cette nuit. J’ai rêvé d’un lieu d’autrefois, là où ma vie fut un jour possible, cette vie que je connus avant l’enfant, cette vie d’avant toi.

J’étais dans un bois. Si je ne t’avais pas rencontré je ne serais jamais partie, j’aurais fait ma vie là- bas. Ce bois m’est tellement familier, j’en aime chaque buisson, chaque tronc tordu, chaque souche. Des bras à moitié morts tendaient vers le ciel leurs moignons couverts de lichen ; on voyait à peine le blanc gris des nuages, qui s’effilochent ente les cimes ; j’ai l’impression d’être à la fin d’une longue journée, peut-être ai-je oublié le début de mon rêve ou peut-être qu’il commence simplement ici, dans ce bois. Mais avec la sensation que c’est quelque chose qui se continue. Il fait presque nuit et je suis seule dans ce bois.

Dans mon rêve, je sais que je suis comme l’animal condamné et je cherche un endroit pour mourir. Mais sans angoisse aucune, dans un apaisement extrême au contraire. Je longe le sentier qui traverse la forêt, coupe vers ce bosquet de bouleaux où nous aimions nous cacher ; un peu plus loin il y a des trous de renards encore habités.
J’ai trouvé l’endroit. C’est un creux sous un arbre solitaire, tapissé de mousse, bordé de fougères ; dans mon rêve je me dénude, cachant honteusement mes vêtements au creux d’une souche. Je suis nue, j’ai froid, un vent glacial me caresse presque amoureusement. Je me roule en boule, rabats sur moi quelque fougères. Je me dis alors que je peux mourir là, et que tu ne me trouveras pas.

Et au réveil, un tel manque. J’en ai encore la poitrine comme brûlée de l’intérieur.

L’enfant s’est éveillée, elle a froid et pleure.


Je n’aurais pas aimé faire ce rêve là ; je visualisais parfaitement, un peu trop d’ailleurs ; la forêt, le creux de fougères…comme si j’y étais. Il n’y a peut-être rien d’original à s’imaginer mourir, mais c’est tout de même un peu malsain non ? Il m’est arrivé de rêver de la mort des autres, et au réveil bien sûr je me sentais coupable…surtout quand les autres c’étaient mon frère ou ma voisine de palier… il paraît qu’il ne faut jamais en rester au premier sens des rêves, m’enfin il me semble qui si vous rêvez que vous zigouillez votre épicier ce n’est pas que vous lui voulez du bien, non ? Et là, c’est elle-même qu’elle voyait morte, cette nana-là.

Je revivais souvent le moment où j’étais tombée sur le trottoir mercredi dernier. Forcément même si j’avais voulu l’oublier, mon épaule meurtrie faisait office de pense bête… C’était juste en dessous de la fenêtre par laquelle j’avais aperçu la petite file. Etait-ce elle qui avait jeté en bas la clef ? C’est une probabilité, plus j’y pense plus cela me paraît possible…probable…possible…sûr…probable…possible…tout cela tournait dans ma tête, au point où les mots n’avaient plus aucun sens.

Mon lundi était passé mornement, entre rêveries stériles, lecture et conjectures…il n’y avait finalement qu’un moyen de le savoir. Mais je ne risquais pas de pouvoir conduire de sitôt, même si j’avais espacé mes doses de paracétamol, certains mouvements de rotation m’étaient encore très douloureux. J’imaginais un moment que je demandais ce service, mais à qui ? La plupart de gens travaillaient, ma mère aurait bondi, je n’allais pas débarquer comme ça dans la vie d’une inconnue, d’ailleurs quel intérêt !

Cela dit plus j’essayais de passer à autre chose, plus cette idée s’immisçait dans mon esprit et prenait corps. Je me voyais déjà frapper à la porte de la vieille bâtisse, entrer, apercevoir l’enfant toujours vêtue de rose…je tenais même déjà un embryon de discussion avec la femme de la clé…nous étions alors interrompue par l’arrivée de l’homme, elle me glissait avec précipitation, et, me semblait-il un semblant de peur, qu’elle travaillait à partir de 17 heures, au casino sur la place et que si je voulais…

Je m’en allais, me garais un peu plus loin pour ne pas intriguer puis à 17 heures je traversais la place en direction du casino…

Et là je sortais brutalement de ce rêve éveillé, ne sachant absolument pas ce qu’elle aurait à me confier ni quel réconfort je pourrais apporter.

Il était 20 heures, j’allumai la télévision pour constater l’état de délabrement du monde et me vider un peu la tête de cette histoire, en la remplaçant par d’autres alertes, d’autres tristesses, d’autres drames.

Un peu de quiche après le champagne, rien de meilleur !!! J'ai aimé te lire... et au fait, bonne année !

J'aime toujours autant ta quiche!!!

Même froide elle a l'air pas mal !!!!!